
En l’espace d’une semaine: la révolte? La révolution? … bref, ce truc de dingue qui se passe en Espagne depuis le 15 mai prend une ampleur qui surprend tout le monde et rejouit la plupart. Pourtant le moment est délicat: les élections régionales, c’est demain!
Même si tout acte politique est suspendu à 24 heures du scrutin pour bénéficier d´un temps de réflexion, les ‘acampadas’ et les concentrations continuent de pousser comme des champignons, en Espagne et dans le monde entier… Pour preuve, la carte des manifs en cours ou en préparation.
Hier soir à la Puerta del Sol, au coeur de Madrid, 30.000 personnes ont démarré la dite «journée de réflexion» avec une minute de silence. Des moments éléctriques qu’on a pu suivre avec 30.000 autres personnes connectées sur Internet, accrochées au live streaming.
En principe, les rassemblements sont interdits aujourd’hui. On vous avait déjà parlé de la Junta, l’autorité électorale. Ses membres trouvent que les protestations pourraient influencer l’esprit de vote.
Mais les manifestants n´ont pas l’air de vouloir quitter la Villa de l´Indignation.


Le Gouvernement a fait comprendre que la police n’interviendrait que s’il y avait des débordements. Les policiers, de leur côté, refusent d´affronter des milliers de personnes, de tout âge. Beaucoup d’entre eux comprennent bien le ras-le-bol.
De leur côté, les manifestants jouent le jeu, en partie. Si depuis hier soir aucun flyer politique n’est distribué, les banderoles et les chants continuent de dénoncer haut et fort le système politique et les deux grands partis nationaux.

Ils ont décidé de ne pas boire de l’alcool pour éviter les soucis qu’on connais tous, pour montrer que ce mouvement veux un changement, que c’est une réflexion serieuse.
Aussi pour démontrer que ces rassemblements ne sont pas liés a la bien connue inclinaison des espagnols a faire la ‘teuf’.
La place Tahrir espagnole (allez, n’ayons pas peur des clichés) est devenue une ville à l’intérieur d’une ville, service de garderie pour enfants inclu, des assamblées et commissions autogérés…
Les plateformes signent déjà des manifiestos et postent des propositions sur leur site. Le but étant toujours le même: avoir une vraie démocratie maintenant: Democracia Real Ya!.
Les médias, accusés en début de semaine d’ignorer les manifs, ne parlent plus d’autre chose. En pleine campagne, ils limitent même la couverture des meetings électoraux dans les JT. Côté international, aujourd’hui ‘Spain’ était le mot le plus recherche sur le site du New York Times.
En Espagne les politiciens ont été relégués au second plan. Les gens (pas que les jeunes, pas que la gauche, pas que les geeks) ont volé la vedette dans cette campagne d’ores et déjà historique.

Ça a été marrant de voir comment la classe politique essayait d’abord de comprendre, paumés dans l’incertitude. Puis d’agir en un deuxième temps: la plupart dit ‘comprendre’ les raisons de la grogne.
Après il y a les cas insolites. Comme celui de la ‘présidente de la communauté urbaine de Madrid’, conservatrice du Parti Populaire, qui croit (ou veut faire croire) que le mouvement est juste contre elle.
La presse de droite accuse la #spanishrevolution de violer la loi et de vouloir instaurer la III République, rien à voir. On veut croire que c’est des exceptions.
En théorie, cet inédit mouvement de masses va favoriser la droite et provoquer la débacle des socialistes (au pouvoir depuis 2004). On verra dimanche soir et lundi.
Mais pour le moment, les vrais gagnants sont les citoyens espagnols. Emus face à l’espoir incarné dans ces protestations. Indignés enfin avec le taux de chômage, la baisse du pouvoir d’achat, la crise du logement et l´spéculation (200 candidats aux élections sont inculpés formellement dans des affaires de corruption).
Beaucoup de questions se posent autour de ce mouvement, mais pour la plupart des impliqués, pour tous ceux qui occupent désormais les trottoirs avec leur duvet, le plus important est qu’enfin ça bouge!

Merci mille fois Sylvain Cherkaoui pour ces superbes photos.